Auteur de l'article | Hervé Morin | Date | 2009-08-29 |
Revue ou journal | LE MONDE | ||
Titre de l'article | Macaques et thérapie génique | ||
Article |
Les mitochondries sont de petites usines, des organites situés au coeur de nos cellules, qui stockent et restituent l'énergie nécessaire à leur bon fonctionnement. Ces centrales disposent de leur propre matériel génétique hérité uniquement de la mère et distinct de l'ADN nucléaire (contenu dans le noyau de la cellule) qui, lui, vient pour moitié du père et de la mère, et reste le principal patrimoine héréditaire de l'individu. Mais cet ADN mitochondrial peut lui aussi subir des mutations à l'origine de maladies incurables. Depuis la découverte de la première d'entre elles, en 1988, quelque 150 mutations de ce type ont été décrites, impliquées notamment dans les maladies d'Alzheimer ou de Parkinson. Les traitements actuels s'attaquent aux symptômes, mais pas à la cause première. Cette situation pourrait changer, du moins pour les futures générations, avec une technique de thérapie génique qui propose carrément d'éradiquer l'ADN mitochondrial défectueux à sa source, c'est-à-dire dans l'ovule non fécondé. La mitochondrie - avec son ADN - a la particularité d'être essentiellement transmise par la mère. Les spermatozoïdes n'en portent presque pas. Pour s'affranchir de l'ADN mitochondrial défectueux, le plus simple serait donc de partir de trois individus : deux femmes, l'une donneuse d'un noyau prélevé dans un ovule mature, l'autre donneuse d'un ovule dont le noyau a été extrait ; et un homme, qui fournit le sperme qui viendra féconder l'ovule "de synthèse" produit à partir de l'enveloppe cellulaire et de ses mitochondries saines d'une part, et le noyau extrait d'autre part. MÉNAGE À TROIS C'est ce que viennent de réaliser, chez des macaques sains, Shoukhrat Mitalipov (université de l'Oregon, Beaverton) et ses collègues. Ils ont été les premiers à réussir un clonage de singe. Ils ont mis leur savoir-faire dans le transfert de noyau au service d'une technique présentée dans la revue Nature du 27 août, qui a bien fonctionné : quatre macaques nés in vitro de ce ménage à trois semblent normaux. Les mitochondries dont ils ont hérité sont identiques à celles de la donneuse d'ovule et non à celles de leur mère "génétique". Au-delà des questions éthiques et pratiques sur le don d'ovule qu'elle ne manquera pas de soulever, cette technique de procréation assistée pourra-t-elle être proposée sans risque à des couples dont la femme est porteuse d'anomalies mitochondriales ? L'équipe de M. Mitalipov le pense, mais prévient que de longues études précliniques sont encore nécessaires. Jean-Paul Renard, spécialiste de ces techniques à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), partage cette prudence : l'ovule est le résultat d'une longue maturation, rappelle-t-il. "Un génome qui s'est organisé dans un environnement mitochondrial donné en gardera-t-il la marque par-delà son transfert dans une autre cellule ? Nous n'avons pas la réponse", indique-t-il. Pour le savoir, il faudra tester la technique de M. Mitalipov sur des primates porteurs de maladies mitochondriales identifiées et vérifier que la descendance échappe à ce destin génétique. |
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Thème du programme | D) Diversité et complémentarité des métabolismes | ||
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